ManoVyapara – manas : mental / vyapara : activité – est la considération du mental selon l’Ayurveda, la médecine traditionnelle indienne.
Dans la Méthode de la Triade Védique, créée par Samuel Ganes, c’est le pilier central de l’axe « psycho », la discipline de l’intellect, qui concernent tous les flux entrants et sortants : pensées, idées, réflexions, avis, considérations, … rentrée en matière avec toutes les autres techniques de cet axe, comme la méditation (dhyana) ou l’éveil avec l’ouverture d’esprit (bodha). Il est bien sûr en lien avec les deux autres axes « spiro » et « soma », le mental étant en lien et interdépendant du corps et de l’état somatique, ainsi que des émotions et de la dimension spirituelle.
C’est une discipline importante car elle est l’un des trois vecteurs essentiels de la bonne santé selon l’Ayurveda avec Ahara, la diététique (soma) et Vihara, le mode de vie (spiro). Manovyapara consiste à aspirer à toute forme de guérison et de bien-être par le mental, à travers une conscience et une forme d’éthique dans sa façon de penser.
« L’Esprit Au-Dessus De La Matière«
Manovyapara est l’ensemble des expressions cognitives, tous les processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance et mettent en jeu la mémoire, le langage, le raisonnement, l’apprentissage, l’intelligence, la résolution de problème, la prise de décision, la perception ou l’attention.
C’est un état d’esprit avant tout … une décision. Car oui, la force du mental surpasse tout autre force : le contrôle du mental permet le contrôle du corps, des émotions, … de notre vie. En Occident, cette force est souvent mal-considérée car invisible. Notre héritage judéo-chrétien nous ramène à l’adage « je ne crois que ce que je vois ». D’où notre goût de plus en plus prononcé pour la matériel face à l’immatériel, ainsi plus au paraitre qu’à l’être.
Rappelons ici que dans l’Ayurveda, les cinq bhutas, les éléments se produisent en chaine : l’éther (vide sidéral du cosmos) donne l’air, leur fusion donne l’explosion et ainsi le feu, qui par condensation donne l’eau et qui par dépôt donne la terre. C’est l’immatériel qui donne le matériel, c’est l’éther et l’air qui, en passant par le feu, donneront l’eau et la terre. Comme le sentiment ou l’excitation sexuelle (émotion immatériel) qui, via l’acte sexuel, donneront un nouvel être vivant (création des cellules qui donneront foetus). C’est l’immatériel, le mental, qui donne et décide du matériel, le corps physique.
A partir de là, quelle est la méthode pour apporter le bien-être par l’axe de l’intellect ? Elle peut être diverse. Cette qualité de vie passe par trois voix :
– travailler sur son mental pour qu’il soit apaisé et calme
– identifier son soi intérieur (être objectif avec sa subjectivité)
– éduquer son esprit pour donner un sens à sa vie
1 – Apaiser le mental – Nihsamshaya
Un mental calme passe par deux formes de considération du monde :
– la non-considération, où on choisit volontairement d’ignorer ou de se détourner pour se protéger du tumulte émotionnel et cognitif
– la considération dite « positive » du monde.
Même si la manichéisme n’existe pas dans la culture védique, non-dualiste, il y a une notion qui s’appelle : Nihsamshaya. Ce terme signifie « sans doute », « positif », voir « certain ». Il y a donc une forme de fatalisme où positiver équivaut à faire un choix pour dissiper le doute, une volonté de certitude où on écarte la suspicion sous toutes ses formes.
On le sait aujourd’hui, penser de façon négative n’apporte rien de bon à l’organisme, il le détruit même. Il détourne même votre énergie vitale. La pensée négative est le cancer de l’intellect. Voici les trois axes pour apaiser ce mental :
a. Restez en paix avec les autres
La compassion, avant d’être un sentiment, est avant tout un choix de vie. C’est même un travail mental de tous les instants. Aimer l’autre et le respecter pour s’aimer et se respecter soi-même. On aime râler, être en conflit, mais cette décharge qu’on pense positivement évacuer, n’est en fait qu’une charge négative qui nous contamine de suite et par retour – c’est l’adage bien connue « qui vaincra par le glaive, périra par le glaive ». Il n’y a jamais de vrais vainqueurs dans un conflit, une guerre ou une bataille. Aucun mérite à blesser, tuer une part de l’autre directement ou indirectement à travers des propos, des actes ou même par la pensée. Si l’autre est perçu comme mauvais, ce n’est qu’une illusion. Ignorez toute source négative dans vos rapports humains, ils sont comme un boomerang. Cultiver la haine, la colère ou la peur et vous n’en obtiendrez que des fruits pourris. Restez toujours vigilants, les pensées destructrices peuvent envahir votre vie insidieusement.
b. Pacifiez votre environnement
Pourquoi l’espérance de vie est plus grande et le nombre de cancer plus bas dans certains endroits du globe comme l’île d’Ikaria en Grèce, Okinawa au Japon ou encore dans certains endroits du Costa Rica ? Pourquoi certaines personnes vivent mieux ou pire à certains endroits qu’à d’autre ? L’environnement est un facteur très important dans votre façon de penser. Même si votre vie vous oblige à vivre dans un endroit stressant, vous avez la nécessité d’en reconnaitre l’état et d’agir en conséquence. C’est ce qui pousse tant de gens à aimer écouter une musique plaisante dans le métro. Vous avez le choix de votre environnement. Le choix de ne pas vous laisser envahir par le négatif. Votre vie sera toujours plus importante qu’un délai imposé par votre travail. Privilégiez un environnement positif – refusez ce qui vous blesse comme les informations du Journal télévisé ou des gens néfastes. Préférez la lecture de citations positives et inspirantes, des gens qui vous font du bien. Ainsi vous obtenez un cadre idéal pour être déjà positif.
c. Améliorez votre mental et votre être
Après le rapport aux autres et à votre environnement, il reste bien sûr le rapport à vous-mêmes. Vous êtes responsable de ce que vous pensez. Tentez d’exterminer tout comportement mental négatif : les pensées négatives qui pourraient être une sous-estimation de vous-même, une peur de l’échec, une vision défaitiste – « je n’y arriverai pas … », « les autres ne m’apprécient pas », « de toute façon ça ne marchera pas … » ou « je ne suis pas assez bon pour ça … ». Débarrassez-vous des souvenirs négatifs, qui vous rendent malheureux ou vous angoissent, ainsi que les points négatifs – « il m’a quitté et je ne m’en suis jamais remis ». Evitez les mauvaises excuses, les mauvaises justifications, … Refusez de ruminer ou ressasser des idées sombres. Cessez de vous plaindre et tentez de ne voir que les bons côtés, en ignorant le reste. Tout ceci est cancéreux et destructeur, détruisant votre force de vie, vos capacités incroyables de réalisation personnelles. Chaque être humain, parce qu’il est vivant, a un potentiel incroyable et presqu’illimité mentalement. Ne perdez pas de temps. Réalisez-vous.
Pas facile, mais justement l’Ayurveda a des techniques pour ça, en voici :
2 – L’Auto-Analyse – Svadhyaya
Identifiez votre « soi intérieur », être en sorte objectif avec votre subjectivité. Cela passe par une auto-analyse, un recul sur soi qu’on appelle Svadhyaya, sva : soi et dhyaya qui veut dire lire ou méditer.
Une part de Svadhyaya passe par la lecture, le savoir, … donc l’ouverture afin d’établir une comparaison selon une vision objective. Ce travail pourrait se résumer au renoncement de votre égo.
Apprendre qui on est, estimer son comportement selon où on vient et quelle culture on a reçu. Avoir du recul sur son trajet de vie, sur sa façon d’avoir gérer un évènement. S’observez. On pourrait évoquer ici le principe du déconditionnement que Krishnamurti a souvent revendiqué. Enlevez les filtres identitaires : votre nom, votre religion, votre nationalité, … voyez qui vous êtes au-delà de ces principes d’identification de l’individu.
Comme pour le sentiment de compassion, l’humilité passe par un travail intellectuel en amont, c’est une chose qui s’acquiert par la volonté mentale. Tentez d’acquérir l’esprit le plus ouvert, celui qui accepte la critique, en laissant l’égo de côté. Acceptez de vous trompez, de faire des erreurs, ou à défaut que ce que vous ne considérez pas comme un erreur puisse l’être à travers le regard d’un autre. Avoir cette souplesse d’esprit pour aborder une vision différente de la vôtre peut enrichir votre personne.
3 – L’Auto-Suggestion – Sankalpa
Eduquer son esprit pour donner un sens à sa vie passe par le Sankalpa. C’est une notion très ancienne dans la culture védique, qui repose sur le fait de formuler une intention particulière pour atteindre un but précis.
Elle passe sous deux formes distinctes : la version plus traditionnelle par l’écrit et la version sans écrit, ce qu’on appelle aujourd’hui l’auto-suggestion. Vous pouvez les exécutez le matin lors des dincharyas, puis les répétez le soir avant de vous coucher.
a. La version traditionnelle par écrit
Ecrire est une forme matérialisée de vos pensées. En soit, elle apporte de l’ordre à la pensée en la posant sur papier, passant par le travail de l’écrit à la main. Souhait ou objectif de vie, l’écriture matérialise la pensée, mais elle ne matérialise pas le souhait ou l’objectif lui-même, comme pourrait le faire la prière. C’est le point de départ de toute forme de quête, une graine de volonté que vous plantez par l’écrit, une attitude qui va germer, grandir en vous, jusqu’à se réaliser, en vous réalisant vous-même et en vous façonnant de façon durable. Evitez les résolutions inaccessibles, elles doivent être réalistes.
De façon pratique, vous formulez par écrit de façon courte et simple un à plusieurs objectifs – pas plus de dix. Vous allez ensuite le(s) relire à voix haute, tranquillement, distinctement en pleine conscience. Par exemple : « Je veux désrmais être serein malgré le chaos du monde. »
b. L’auto-suggestion orale
Ici on ne passe par l’écrit. La résolution ou l’objectif doit donc être court, simple et unique. De façon pratique, on peut la faire face à son miroir, ou juste dans une posture calme chez soi. L’avantage c’est qu’on peut, tel un mantra, se le répéter mentalement à tout moment et en tout lieu de la journée.
Pour ces deux pratiques, voici les règles immuables :
- la formule commence par « je … », est exprimée au présent et sans négation
- la formule concerne un objectif personnel, qui vient de vous, en vous
- la formule doit être emprunt de bienveillance pour soi comme pour les autres
- la formule ne doit comporter ni être évoquer par aucun sentiments négatifs comme la colère, la haine, le stress
- au moment de chaque répétition, vous êtes sûr de sa réalisation
4 – La Méditation – Dhyana
La méditation est un état contemplatif qui va relâcher le mental. Appelé Dhyana en sanskrit, qui provient de la racine verbale dhyai- qui se traduit par voir au-dessous, ou encore contempler.
Il n’y a pas UNE méditation, mais DES méditations. Elles viennent de courants ésotérico-culturels différents et revêtants des techniques diverses sur différents plans : que ce soit physique (assis, couché, en mouvement), sensitive (par l’ouïe, le touché, l’odeur) et/ou psychique (focalisation sur un point précis par sa pensée intérieure, contemplation sans point précis où on laisse rentrer des pensées extérieures).
Que vous soyez un « être qui pense » ou un « médium qui voit » selon votre degré d’esprit, votre méditation reste un rituel salvateur, un moment de focus pour vous, vous seul. Vous rentrez dans un temps dédié à l’isolement, profond et intime. Mais ne faites jamais de la méditation un état à atteindre, un but ultime qui requiert un savoir et des méthodes compliqué. La méditation est avant tout simplicité. Elle fait déjà partie de votre vie, ces moments de suspens où vous soupirer, où vous revenez à une écoute de vous-mêmes. Cet état d’attention douce et de focalisation à la lecture ou en regardant un film, cet état contemplatif, en suspens, où la pensée se relâche, où vous vous abandonnez dans un bain chaud, un massage ou un acte charnel : vous êtes dans un état méditatif.
Bien sûr ce n’est pas cette image où assis en lotus sur un coussin zen, les yeux fermés, vous méditez tel Bouddha. Mais la méditation a bien plus de facettes. C’est pourquoi vous pouvez les explorer à travers ces différentes méthodes :
- Vipassana, la pleine conscience, avec par exemple So Ham
- Kinhin, la marche méditative japonaise
- Transcendentale, la méditation à travers la récitation à haute voix, avec par exemple Aum Sahita Rechaka
- Anuloma Viloma, la méditation à travers le souffle conscient
- A travers le corps, par un yoga doux ou du Tai Chi, la méditation à travers trois mouvements continus et répétés
- Bön, la méditation ancestrale à travers les cinq éléments
5 – L’Eveil par la Curiosité, Bodha
Bodha, l’éveil et aussi la connaissance, sous-entendu celle qui est tourné vers l’extérieur. En effet, nul n’évolue sans regarder le monde qui l’entoure, sans se confronter à son environnement et aux autres, ses semblables. Cette discipline se fait selon trois principes simples :
Être curieux, c’est ici tout l’enjeux.
Kutühala, la curiosité est sûrement l’une des meilleures vertus pour un « éveillé » – malgré l’adage français stupide qui évoque la curiosité comme un vilain défaut. Si on revient au latin, curiosité vient de la racine étymologique cura, qui donne aussi les mots cure ou curatif. Ainsi, on comprend que la personne qui est curieuse est donc celle qui prend soin. Prendre soin de soi, des autres, du monde qui vous entoure. A l’inverse, l’indifférence vous renferme, vous assèche, avilie votre connaissance, votre être et vos capacités à distinguer, comprendre, célébrer tout ce qui vous entoure.
La curiosité reste avant une qualité d’écoute, elle n’est que réception. Rester donc en éveil, même sur les sujets que vous pensez connaitre à fond, il y a toujours une vision, un axe différent qui peut apporter un autre éclairage. Être curieux, c’est aussi aller chercher, faire une démarche pour en voir et en savoir plus.
La Connaissance Acquise, la véritable culture personnelle.
Gyana, la connaissance, est unique à chacun, c’est un bagage que vous portez en vous à travers votre mental. On parle bien ici d’une notion acquise, c’est à dire incorporée ou mémorisée. Cette connaissance, du domaine à la fois intime et publique, compile tous les aspects de votre vie :
- votre environnement de naissance et plus tard de vie, à travers la culture (géo-politico-artistique) de votre/vos pays, les cultures de vos parents, soient encrées, soient différents de votre pays de naissance et/ou de vie, et bien sûr celle de votre génération qui inscrit aussi celle-ci dans le temps.
- votre personne, que vous soyez un garçon ou une fille vous n’aurez pas les mêmes perceptions ni les mêmes conceptions, votre orientation affective, votre nature profonde et donc votre constitution ayurvédique
- votre éducation, tout ce qu’on a pu vous transmettre au fil des années, celle qu’on a pu vous imposer ou que vous vous êtes constituées – qui d’ailleurs pour être bien appréciée, doit pouvoir être comparer et remis en question aussi parfois.
- votre évolution enfin, à travers votre faculté à vous ouvrir : les actualités du monde, les arts tels que la littérature, les films, les pièces de théâtre, la danse, la peinture, … les répercussions en vous.
La Transmission, le pouvoir de l’être humain à travers le don
Abhivahya, trans-mettre, traduisible par l’action de placer au-delà. Rappelons ici que le préfixe trans- vient de la racine en sanskrit Tar-, qui donne le mot Tara qui signifie « faire traverser », ou encore le « salvateur » le « libérateur », ce « qui est brillant ».
Celui qui transmet volontairement, le fait donc toujours dans une veine positive et lumineuse. C’est une chose prodigieuse. C’est le don d’une forme de richesse sans pour autant s’appauvrir quand on l’a distribue. C’est tout l’intérêt de l’intellectuel (non-matériel) par rapport au matériel. Même si une transmission peut passer par le matériel à travers le don d’un livre ou le partage d’une oeuvre artistique.
Transmettre un savoir, une vision, une idée, partager. Cela peut-être aussi un échange, une discussion. Même si il y a désaccord ou visions divergentes, il n’y a jamais de mal à communiquer et ainsi se remettre en question, remettre l’autre en question. La remise en question est une notion positive car en lien avec l’humilité, et parfois le détachement. C’est une gymnastique mentale qui abstrait l’intellect des émotions et surtout de l’égo.
Recevoir, cultiver et transmettre sont les trois qualités de Bodha. Ne laissez pas un jour passé sans les aborder et les traiter aux mieux.
6 – Votre Mental à Travers le Corps
Bien sûr, la bonne santé mentale passe aussi par l’alimentation :
- Bien boire, bien Respirer, bien se Nourrir car votre cerveau a besoin d’eau, d’oxygène et de nutriments essentiels comme certains oligo-éléments et du sucre pour bien fonctionner
- Bien dormir, à travers un sommeil (Nidra) de qualité – pour permettre à votre cerveau de se régénérer et d’intégrer à travers le repos
- Booster le positif pour combattre le dépressif, à travers des aliments qui vont permettre la sécrétion des inhibiteurs que sont le GABA et la sérotonine, en ça le meilleur complément est l’Ashwagandha
La bonne santé mentale réside dans une vraie volonté d’aller bien, ou mieux, et d’y travailler. Elle réclame un minimum de discipline et aussi souvent à un travail du corps. Rappelez-vous que le cerveau fait partie du système nerveux, donc le relâcher, c’est aussi relaxer le mental, que votre système limbique, « cerveau des émotions » n’est que le résultat des échanges chimiques dans votre système endocrinien, à savoir hormones et neuro-transmetteurs, ainsi le travail du mental passe aussi par le corps (soma) et la respiration (spiro).