YOGA – Science de Vie ou Religion ?

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La Science et la Religion se sont toujours opposées, dans une confrontation et une haine l’une de l’autre sans limite. La religion tente d’établir un lien avec le divin et « l’après-vie » à travers une foi en une conception qui établit une idéologie avec des dogmes (notions de mérite, de morale, d’obligations, d’interdits, …) tout en entretenant une flamme de « l’ancestral » à travers une connaissance qui repose sur des mythes fondateurs pour certains peuples – d’où un lieu possible entre religion et culture. La science, elle, parfois qualifiée de « religion moderne », nous rapproche d’une connaissance qui détruit peu à peu les mythes et les croyances à travers des explications basées sur des preuves tangibles ou des études qui ramènent le savoir de l’Homme au rationnel – elle exclue et détruits toutes les notions précitées (mérite, morale, …) même si elle peut reconnaître une éthique dans son exécution.

Le Yoga, à la fois voix spirituelle et reliée à l’hindouisme et science thérapeutique, se rapporte étrangement à ses deux fondements contradictoires – mais duquel est-il le plus proche ?

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L’Ashtanga selon les Yoga-Sutras de Patanjali

Le texte de référence des yogi(ni)s reste les Yoga-Sutras de Patañjali, un ouvrage comme une « bible/torah/coran » en quatre parties, qui n’est qu’une succession d’aphorismes (sutras). Pour exemple :

Sutra I – 2 : « Le Yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental. »
Sutra I – 3 : « Alors se révèle notre Centre, établi en lui-même. »
Sutra II – 46 : « Âsana : être fermement établi dans un espace heureux. »
Sutra II – 47 : « Grâce à la méditation sur l’infini et au renoncement à l’effort-volonté. »
Sutra III – .55 : « La connaissance née de la discrimination est intemporelle,

totale, et induit la délivrance. »

Sutra IV – 3 : « Comme le paysan rompt la digue qui empêche l’eau de s’écouler sur ses terres, l’élimination des obstacles est à l’origine de toute transformation. »

 

Yoga Sutra 1.2

De cet ouvrage émane le concept de l’Ashtanga Yoga, les huit disciplines du yoga : Yama, Niyama, Asana, Pranayama, Pratyhara, Dharuna, Dhyana et Samadhi. La plupart des yogis prennent cet ouvrage comme une référence, le concept de l’Ashtanga Yoga comme une « marche à suivre » cependant il est étonnant d’y voir de terribles incohérences.

Citons-en déjà deux :

La première est l’auteur lui-même. Les bonnes écoles de yoga vous le diront toutes : nous ne savons pas qui est Patañjali – à ne pas confondre avec le grammairien qui a écrit le Mahabhasya. Qui est l’auteur des yoga-sutras ? Un homme ou plusieurs hommes, voir un groupe d’hommes qui auraient écrits à plusieurs mains ? Quand a-t-il/ont-ils vécu(s) ? Où a-t-il/ont-ils vécu(s) ? Nul ne le sait.

La seconde est la datation des Yoga-Sutras : entre 300 av JC et 500 ap JC.  La datation d’un ouvrage est normalement quelque chose d’assez exacte, tous les védas le sont à quelques centaines d’années près. Mais là il y a près de dix siècles d’incertitude – c’est beaucoup. Une chose est sûre : l’original n’existe plus sinon le carbone 14 aurait déjà vite fait de répondre à cette question.

En tout cas, se focaliser sur un livre dont on ne connait ni l’auteur ni l’époque exacte de son écriture réclame une certaine foi dans la pratique et écarte tout besoin de rapporter à l’exactitude et donc à une science, de ce point de vue.

Image associéeles Jaïns, ces extrémistes de la non-violence

Yama ou les dogmes volés au Jaïnisme

Mais revenons sur la première discipline de l’Ashtanga : Yama. En effet, c’est sur cette partie dogmatique, souvent surnommée « les cinq observances ou austérités », que nous allons nous porter notre attention.

Tout d’abord, un rapide retour chronologique sur les religions s’impose. Avant l’arrivée du Jaïnisme en 1000 av JC, il n’existe que trois grandes religions – les deux courants hindouistes anciens – le shivaïsme et le védisme – autour de l’Indus et le judaïsme ancien dans le moyen-orient, tous basés sur un polythéisme en lien avec la nature. (Il y eut bien sûr d’autres courants ésotériques mais moins forts ou déjà éteints à cette époque comme les divinités de l’Egypte Ancienne,  de la civilisation Minoenne, Sumérienne, ou encore celle des Mayas). Le Jaïnisme est alors un courant moralisateur religieux qui va développer la notion de mérite et l’établissement de dogmes qui fonderont toutes les religions à venir après cette date : l’hindouisme et le judaïsme modernes, le bouddhisme, plus tard encore le christianisme, l’islam, le sikhisme, … Dès 600 av JC, la notion du mérite s’inscrit dans la religion, reposant sur le fait que l’homme doit faire quelque chose pour mériter en retour – la bonne réincarnation ou l’accès au paradis. Ainsi la croyance religieuse alimente le comportement social, le jaïnisme a ainsi inventé le conditionnement de la personne par la religion et surtout la peur de l’après-mort. On introduit la notion de culpabilité par toute forme de « péchés » mais aussi de violence (sauf si elle sert la cause religieuse pour certains courants) – les jaïns étant surnommés « des extrémistes de la non-violence » faisant attention à ne tuer nul insecte, c’est le terrain fertile au bouddhisme et au véganisme.

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Mais revenons à la conception de Yama. Et là soyez bien assis pour ne pas tomber de votre chaise. Le Jaïnisme, dans ces nombreux concepts, propose celui des Mahavratas, les cinq grands voeux : Ahimsa, le vœu de non-violence, Satya, le vœu de sincérité, Asteya, le vœu d’honnêteté, Bhramacharya, le vœu de chasteté, et Aparigha, le vœu de non-attachement aux choses du monde, ou non-possessivité. C’est là que la surprise est de taille puisque les cinq observances morales de Yama dans le yoga sont exactement les mêmes termes, avec les mêmes concepts et allant même jusqu’à les énumérer dans le même ordre : Ahimsa, Satya, Asteya, Bhramacharya et Aparigha. Ainsi, si vous suivez le dogme moral de la discipline Yama, hérité de la religion Jaïn, vous êtes dans un yoga qui est alors bien une religion.

Pour finir sur ce point, Yama signifie en sanskrit austérité, règle, devoir moral, contrôle de soi, ou encore refrènement – il est aussi le nom du dieu de le mort dans l’hindouisme. Ce dieu-lune masculin meurt chaque mois avant de renaître au bout de trois jours.

Yoga, le « lien » qui relie à la religion

Revenons sur le terme sanskrit « Yoga » et son étymologie.

YOGA est un mot qui vient du sanskrit, composé de la racine YUJ- qui signifie « unir, atteler », auquel s’ajoute le suffixe –GHAN qui indique l’achèvement. Son radical YOG- du sanskrit YUG- se retrouve dans d’autres langues indo-européennes : en latin iugum, en grecque ancien zygon (ζυγόν), … qui donneront les mots yoke en anglais, joch en allemand ou encore joug en français, où cette même racine donne le verbe « joindre ».

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C’est sur son équivalent français que nous allons nous attarder. Au sens propre, le joug est une pièce de bois pour atteler des animaux ensemble, dans un sens plus figuré, il exprime deux choses distinctes :

– la soumission et parfois la contrainte – « tomber, être sous le joug de quelqu’un »
– l’idée d’une activité – « se mettre à joug » signifiant « se mettre à l’ouvrage »

Gardons à l’esprit ce rapport du mot yoga à celui de joug, ne serait-ce que pour comprendre que l’étymologie d’un mot n’est jamais anodine et qu’ici sont rassemblées les notions de l’union, de la discipline qui réclame une forme de soumission et de la mise en action.

Bien sûr, vous comprenez ici le lien direct étymologique avec le terme « religion », ayant deux racines latines établies : religare signifiant relier et relegere signifiant relire. Pour la première étymologie, elle rejoint la notion de lien et d’union. Etymologiquement, le terme yoga peut donc être défini à travers religion.

Quand le Yoga est en avant-tout une science de bien-être

Pour comprendre cette dimension, il faut revenir aux Védas, les textes anciens qui s’échelonnent sur plusieurs siècles, issus d’une culture orale qui fait le lien entre la période préhistorique et l’antiquité.

Le Yoga, c’est aussi toute une part esotérico-scientifique à travers des concepts tantriques et ayurvédiques : le prana comme souffle vital, les nadis lignes d’énergies reliés en tire croisés aux deux hémisphères du cerveau, les chakras cortex énergétique qui correspondent aux glandes endocrines, … Ces concepts établis il y a des milliers d’années sont pour la plupart en total adéquation avec certaines données issues de notre médecine moderne d’aujourd’hui, à un tel point parfois que cela en est déroutant. Les deux hémisphères du cerveau par exemple, où le droit appelé chitta fait référence aux fonctions mentales et le gauche appelé prana fait référence aux fonctions de l’énergie et de l’action, seront reconnus comme le droit réceptif et le gauche actif. Cette place du troisième oeil considéré comme le chakra de la concentration, qui se trouve être le siège de l’épiphyse et hypophyse, glandes qui sécrètent toutes les hormones utilisent à se calmer (mélatonine), à être positif et calme (ocytocine, la contre-hormone du cortisol qui provoque le stress) ou encore les endorphines. Bien sûr, il y a aussi les études faites aujourd’hui sur les nombreux bienfaits de la pratique des postures et des respirations du yoga, ou encore de la méditation.

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Krishnamacharya, l’un des plus grand gourou qui a fait le lien entre la lignée des anciens gourous et des nouveaux, ayant été le maître de Patthabi Jois qui a créé le style Ashtanga ou Iyengar qui a créé le style Iyengar, avait lui-même mis en avant la portée thérapeutique du yoga. A travers, le Kriya Yoga d’abord, puis de son style qu’il a aussi créé le Vini Yoga, une vision où postures et techniques de respiration soient choisis selon les caractéristiques propres au pratiquant, prenant en considération sa morphologie, ses douleurs et maladies chroniques.

Bien sûr, il faut aborder l’Ayurveda, qui en plus d’être une forme de développement personnel, reste comme la première méthode de médecine au monde. Il y a alors une utilisation des techniques du yoga, en plus de l’utilisation des plantes et surtout une conduite de vie pour une hygiène irréprochable. Le yoga, d’ailleurs, a lui aussi ses codes de conduite dans un axe thérapeutique à travers l’alimentation qui prend en considération la nature sattvique et donc bénéfique, le rajasique parfois pour réveiller l’énergie mais toujours en évitant le tamasique. Ces valeurs, comme le recours à la méditation, à la considération au monde avec un esprit calme et positif sont d’ordre purement spirituel et non religieux – une subtilité souvent difficile à comprendre pour les occidentaux.

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Kundalini Yoga, quand la science dérive en religion

On pourrait croire qu’à l’heure des temps modernes, toute cette dimension scientifico-médicale pourrait avoir l’avantage sur l’aspect mystique religieux. Le style Kundalini Yoga est là pour nous démontrer le contraire.

La kundalini est un concept hérité du tantrisme selon laquelle cette énergie qui prend vie dans le chakra muladhara, le centre racine au niveau du périnée, remonte jusqu’au chakra au sommet de la tête, Sahasrära. Yogi Baghan reprendra cette appellation pour en faire un style qu’il crée en 1969.

Résultat de recherche d'images pour "kundalini yoga"ce ne sont pas des jaïns mais des kundalini yogis

Yogi Baghan est né en 1929 au Pendjab, de confession Sikh, à 40 ans, il se rend à Los Angeles aux États-Unis en pleine période « hippie » pour y enseigner cette discipline de yoga à travers son organisation 3HO (Healthy Happy Holy Organisation).

Mélangeant ainsi sikhisme, concepts de la méditation et pensées hippies occidentales (les pratiquants doivent se vêtirent de blanc et se couvrir les cheveux), la kundalini yoga prône un yoga communautaire, hautement spirituo-religieux, voir totalement barré (danses en groupe sur de la musique new-age). Il trouvera un apport d’argent grâce à la création et commercialisation des tisanes Yogi Tea.

Le Kundalini Yoga est ainsi le bon exemple que le yoga moderne aura beaucoup de mal à se désempêtrer de cette masse mystico-religieuse. Ainsi on voit se multiplier dans l’ombre du monde du yoga, le retour de pratiques donnant parfois lieu à des dérives comme dans les communautés hippies il y a un demi-siècle ou les théosophes il y a un siècle, porte ouverte à tous les courants sectaires ésotérico-sexuels, chamanisme, recherches de pouvoirs à travers les expériences extra-sensoriels.

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Et vous, quelle conception avez-vous du yoga ?

Quelle est votre vision du yoga ? Art de vivre ésotérico-mystique ? Discipline dogmatique ? Science thérapeutique ? Pratique sportive ? Un peut tout ça à la fois ? N’est-il pas intéressant de voir que les notions de religion et de science, deux disciplines qui s’opposent, s’entremêlent à travers le même art de vivre ? Ou bien même qu’une discipline puisse être vécue de façon aussi différentes par tant de gens ?

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Il y a même certaines personnes qui rejettent l’idée de pratiquer le yoga comme une religion, et pourtant grâce (ou à cause) de lui, ils croient au Karma (notion issue du bouddhisme, puis de l’hindouisme moderne qui est là encore une notion de mérite et de manichéisme), ils se lancent dans la récitation de mantras ou même de chants en sanskrit faisant référence aux divinités hindous – en même temps, certains ne comprennent pas vraiment les mots parfois -, ils appliquent des notions de morale issues de dogmes établis à travers le jaïnisme, certains même ont besoin d’avoir un gourou comme chef spirituel, d’appartenir à une communauté avec laquelle communier, …

Oui, il y a une différence entre spiritualité et religion me direz-vous, nous pouvons aussi considérer que la limite est floue. Il faut peut-être aussi considérer qu’après plus de 2000 ans de religions, il est difficile d’en sortir indemne.

D’autres encore attestent qu’ils pratiquent le yoga comme une thérapie et/ou un art de bien-être, et pourtant mis à part la pratique des postures, dans un mood sport en salle sur musique qui bouge, ils ne veulent pas prendre du temps pour les techniques de respiration, la méditation, ni changer leurs habitudes de vie pour avoir une meilleure hygiène. Là aussi vous me direz qu’on peut se faire du bien à travers un cours de yoga dynamique sans tomber dans un mode de vie hygiéniste ou s’astreindre à des méthodes zen auxquels on a du mal à adhérer.

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Le yoga ascétique d’antan réservé aux hommes, cette vision qui relève presque du fantasme ne correspond plus à ce qu’est le yoga aujourd’hui. Pourtant, en ce temps ancien, à travers cette image d’Epinal, le yoga était à la fois une science thérapeutique – la plupart des anciens grands gourous étant à l’origine des enfants atteints de maladies lourdes ou de malformations et que la famille donnait aux brahmanes ne pouvant travailler – et un vrai sacerdoce religieux, tel que le perpétue aujourd’hui les saddhus et certains brahmanes en Inde.

Le yoga d’aujourd’hui est « dynamique », « acrobatique », « dans les airs », « dans l’eau », « en salle surchauffé », « nu », « en vidéo », … ou encore « pré-natal ». A-t-on déposséder le yoga de sa sève originelle ou l’a-t-on refaçonné pour un monde moderne ?

Au final, la part religieuse et dogmatique ainsi que la part thérapeutique et scientifique du yoga ont une chose en commun : elles en contiennent l’aspect culturel, le contexte de base en lien avec les Védas, sa connaissance. Sommes-nous dans une air où on tente d’épurer le yoga pour mieux le vendre et le rendre plus attractif ? Sûrement.

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Et le retour à ces dérives ésotériques à travers des cérémonies de la Lune, des cérémonies de danse trance et méditation, ou encore du yoga chamanique avec tambours, gongs, … sont-elles le reflet d’un manque de »sacré » sans notre monde moderne ? Peut-être un vieux réflexe de devoir communier en groupe comme l’ont fait les générations avant nous dans les sanctuaires religieux.

Est-ce vraiment la façon dont on aborde le yoga qui est important, ou plutôt le fait d’avoir conscience de la façon dont on l’aborde ? Chacun ici a ses réponses à toutes ses questions. Cette diaspora de réponses est autant de facettes que le yoga fait étinceler aujourd’hui et ce depuis des siècles, et désormais sur toute la surface de notre planète.

 

 

3 réflexions sur “YOGA – Science de Vie ou Religion ?

  1. Excellent texte. Un abordage sincère et appuyé de l’histoire et des questions ou nous allons chercher les réponses peu à peu et, selon moi, avec le temps et la pratique du yoga.
    Merci

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